Question qui semble ne devoir être plus de mise après la conférence de presse du président, et pourtant cela ne semble pas si sûr. Car de quoi parle-t-on exactement ?
Disons tout de suite que deux écoles s’affrontent :
L’école libérale :
Elle est favorable à une politique d’offre, arguant du fait que l’offre crée sa propre demande ou dit autrement que c’est la production qui ouvre des débouchés aux produits ; il s'agit donc de lever les freins à l'initiative privée.
Les partisans de « l’économie de l’offre » sont favorables à ce que le gouvernement lève le plus possible les freins fiscaux et réglementaires qui entravent la croissance. Comment ? En diminuant notamment l’impôt pesant sur l’activité des entreprises ou sur le revenu des travailleurs.
Dans le même temps, des subventions peuvent être accordées aux entreprises de certains secteurs jugés comme « porteuses d’avenir ». Des subventions qui, avec l’allègement des charges, doivent favoriser l’innovation et l’investissement (comme ce fut le cas dans les années 90 avec le téléphone mobile et Internet) et créer ainsi de nouveaux besoins. Ce qui vient augmenter la demande.
Adversaires de « la politique de la demande », les faits semblent leurs donner raison : les politiques de la demande de ces dernières années ont eu pour effet à la fois d’augmenter de façon exponentielle la dette publique, et de gonfler les importations avec comme conséquences un déficit commercial abyssal et des destructions d’emplois notamment dans l’industrie.
Comme le président de la république l’expliqua lors de sa conférence de presse du 14 janvier : la faiblesse de la profitabilité des entreprises est patente mais (nous ajoutons) elle s’accompagne dans le même temps d’une demande atone.
Une note du Crédit Agricole met le doigt sur cette faiblesse de la profitabilité des entreprises :
« La faiblesse de profitabilité s’explique principalement par trois facteurs : un poids élevé des prélèvements sociaux ; une progression rapide des coûts salariaux unitaires, conséquences de fortes hausses de salaire par tête (même en cas de hausse du taux de chômage) et de gains de productivité assez faibles ; une hausse sensible des autres coûts (consommations intermédiaires, fiscalité). »
Ainsi, les entreprises françaises font face à une compétitivité-coût dégradée ; des entreprises inscrites dans un cercle vicieux d’érosion des profits par les hausses de coûts subies, et sans capacité d’investir pour concurrencer les pays bénéficiant d’une compétitivité-coût plus favorable.
Une réalité qui justifie (selon le président lui-même) la mise en œuvre d’une politique de l’offre pour désengager les entreprises, notamment celles positionnées sur des produits de milieu de gamme.
L’école Keynésienne
Elle privilégie, quant à elle, une politique de la demande, arguant du fait qu’à défaut de commande de clients, les entreprises n'investissent pas, ce qui affecte leur développement ; il s’agit de combiner politiques économiques et politiques sociales.
Si les partisans de cette école reconnaissent que la production des marchandises précède forcément la consommation, c’est à dire la demande, celle-ci (la production) est conditionnée par la demande anticipée, appelée « demande effective ». En fait pour produire, les entreprises font le pari qu’elles pourront vendre leur production, autrement dit, elles font le pari qu’elles vont pouvoir vendre leur production. Et plus les salaires seront élevés plus la demande anticipée le sera.
A partir de cette analyse, il convient donc d’embaucher pour fabriquer plus de marchandises. C’est là que l’état intervient pour palier l’offre insuffisante des entreprises. Que constatons-nous aujourd’hui ?
La demande de consommation émane des ménages or leur revenu est affecté par des années de gel des salaires, du coup les ménages n’ont pas les moyens de se procurer les biens et services qui stimuleraient la croissance. De plus, les politiques d’austérité des gouvernements ont un effet négatif sur la demande publique. Et comme le commerce international est un système clos, tout le monde ne peut pas compter sur les exportations pour sortir de la crise.
Concrètement, Il faudrait que l’état dispose d’une marge de manœuvre suffisante pour investir dans la construction d’infrastructures permettant d’accroître l’efficacité de l’économie à long terme, tout en créant des emplois sur le court terme.
Dans le même temps, le gouvernement doit inciter les banques à prêter aux petites et moyennes entreprises. Cela contribuerait à créer un climat local propice à l’investissement et au développement des sociétés, et conduirait également à créer des emplois.
Une telle démarche passe par une politique de relance. L’état intervenant dans l’économie via des mesures qui ont pour objectif de relancer l’économie, diminuer le chômage et rassurer les ménages.
L’on sait par ailleurs qu’il y a dans le monde un excès de profits par rapports aux salaires. Un excès de profit qui se traduit par une suraccumulation d’épargne oisive, d’où le niveau extrêmement bas des taux d’intérêt.
La politique de relance peut porter sur :
• la baisse des coûts des crédits bancaires (mais aujourd’hui cette mesure est du domaine propre de la BCE) ;
• l’augmentation des dépenses publiques (une mesure « contrat cyclique » difficile à utiliser du fait de la dette publique) ;
• une politique réglementaire visant à modifier la gouvernance des entreprises, des banques et des institutions sociales (à réaliser en cohérence avec les autres pays de l’Union Européenne).
Inexistence du conflit entre politique de l’offre et politique de la demande ?
Quelle politique économique retenir ? Nombre d’économistes et de responsables politiques considèrent qu’il s’agit d’agir avec circonspection et jouer soit sur l’offre, soit sur la demande selon les situations du moment.
Arrêtons donc ce débat (semblent-ils nous dire) entre politiques de soutien de l’offre et politiques de soutien de la demande.
C’est ce que pense Patrick ARTUS quant-il écrit que « les politiques de l’offre, menées au bon moment, sont à terme favorables à la demande » .
Ainsi, explique-t-il plus loin, savoir si l’on doit utiliser l’une ou l’autre politique dépend de la situation économique du moment : partage des revenus, profitabilité, compétitivité ; aujourd’hui, il faut soutenir l’offre en France et en Italie, la demande en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon .
Danièle BLONDEL professeur à l’université de Dauphine va plus loin en nous expliquant que la collectivité subit les conséquences d’une erreur stratégique, à savoir « notre crispation sur un modèle productiviste » qui nous a conduit à rechercher le profit financier à court terme et une demande d’assistanat industriel.
Alors qu’il nous faudrait plutôt prendre le risque de valoriser le capital cognitif et humain en finançant l’innovation. Elle conclut en écrivant que « la contrainte qui bride aujourd’hui la croissance durable et humaine n’est donc pas tant budgétaire que culturelle ».
Pour conclure provisoirement
Ce que l’ensemble des spécialistes savent, c’est que la solution adoptée par le gouvernement (une diminution des cotisations) permettra d’une part, de diminuer de 5 % le coût du travail et, d’autre part, d’augmenter de 5 points le taux de marge.
Si cette politique d’offre favorise une reprise de l’investissement et une montée en gamme des produits français (cf. article du crédit agricole) les effets peuvent cependant s’avérer insuffisants pour être véritablement efficaces. Cela dépendra (expliquent les auteurs de cet article) en partie de l’évolution des salaires mais aussi de la diminution des dépenses publiques.
Soulignons au passage, que dans cette politique de l’offre, présentée par le président de la république, la baisse des charges implique que les entreprises s'engagent, sous une forme ou une autre, à embaucher pour réduire le chômage. Cela est-il réalisable rapidement s’interroge la « tribune » ?
En effet, les entreprises françaises doivent d’abord reconstituer leurs marges, puis investir pour de la sorte gagner des parts de marché. C’est ensuite et seulement ensuite qu’elles embaucheront pour répondre à un besoin plus important de production. Et la « tribune » se demande si les français seront attendre des résultats probants ? Même si les marchés, pour leur part, soutiendrons cette nouvelle orientation.
[1] France : cap sur une politique de l’offre 15 janvier 2014
[2] Politiques de l’offre et politiques de la demande : en réalité, il n’y a pas de contradiction
[3] Relance par l'offre ou par la demande : un faux dilemme